Sous-titres du film diffusé dans l’espace Monsieur Machine
– Maxime Labat
Ça fait des siècles que les robots existent une forme ou sous une autre dans notre imaginaire collectif.
C’est bien sûr le mythe de l’esclave parfait sans libre arbitre qui est complètement corvéable à merci et qui pourtant trouve le moyen de se rebeller contre ses créateurs. Mais d’autres imaginaires sont disponibles comme par exemple au Japon ou les robots sont plutôt bienveillants très certainement parce que on trouvait là-bas des mythes très anciens dans lesquels les objets ou des entités naturelles avaient des âmes.
Aujourd’hui ces différents imaginaires se mélangent. On a l’impression que les robots vont nous remplacer dans les chaînes d’usines, que certains vont aller faire la guerre ou alors que d’autres vont prendre soin des personnes dépendantes. Sauf que des robots, on n’en voit pas beaucoup et encore moins des robots qui nous ressemblent. Alors j’ai voulu savoir où on en était réellement dans les laboratoires de recherche au-delà des prophéties et des fantasmes de science-fiction.
J’ai donc été accueilli à Toulouse au Laboratoire d’architectures et d’analyses des systèmes pour rencontrer l’équipe Gepetto qui travaillent sur les mouvements des systèmes anthropomorphes. Sur les robots humanoïdes quoi.
– Nicolas Mansart
Je suis Nicolas Mansart. Je suis chercheur dans l’équipe Gepetto du LAAS-CNRS et je suis un être humain. Jusqu’à preuve du contraire. Je vais te faire jouer à un jeu qui est extrêmement difficile pour les robots.
– Maxime Labat
Non mais un jeu d’échecs… je vais perdre, tu vas voir.
– Nicolas Mansart
Ce n’est pas ce que tu crois. Il manque le roi noir. Je l’ai caché dans la pièce et tu vas le chercher, tu vas le retrouver. C’est quelque chose qui est très difficile pour un robot. Alors là déjà, tu vois, tu marches. Tu te déplaces, tu saisis un livre : ça c’est très difficile pour notre robot. Mettre le genou par terre, ça c’est fantastique. Si je savais faire ça, j’aurais le prix Nobel. Tu t’appuies et tu te mets sur un seul pied, ça c’est fantastique. C’est vraiment un chef de toute beauté. Et ici tu reconnais le pion noir même s’il est dans l’obscurité. C’est très difficile pour un robot, tu peux vraiment te considérer un robot d’extrême valeur.
– Maxime Labat
Je l’ai eu mon pote.
C’est marrant, du coup votre équipe de recherche elle s’appelle Gepetto. C’est vraiment ça le projet ? C’est d’avoir le marionnettiste mais on coupe les fils et puis la marionnette se débrouille un peu toute seule…
– Nicolas Mansart
On veut remettre le marionnettiste dans la tête du robot avoir les algorithmes de Gepetto qui font bouger Pinocchio.
– Maxime Labat
En fait c’est des actions complètement banales que je fais tous les jours qui sont prodigieuses.
– Nicolas Mansart
Les décisions de mouvement sont magiques. Il y a énormément de décisions de toutes petites décisions mais cumulée ensemble. Ça fait des milliers de décisions qui sont prises en même temps avec des temps réactions qui sont très inférieurs à la seconde et le robot de tenir debout, faire un pas attraper une pièce d’échec, prendre aussi des décisions au niveau de la perception, décider de différencier un objet d’un autre objet… tout ça, c’est des décisions qui sont vraiment très compliquées à prendre. Et ces décisions-là, on les associe pas du tout, ou le public les associe pas du tout, à l’intelligence de dire je veux faire de l’intelligence artificielle et je veux faire comme mon robot se regarde de monter un escalier. Ce n’est pas une tâche intelligente, une tache intelligente c’est jouer aux échecs. Ça c’est intelligent. Mais d’un point de vue de du nombre de décisions à prendre, jouer aux échecs c’est très réduit, et monter un escalier ça implique des tonnes de décisions sans parler de tout le contexte qui est autour. Se lever de son lit trouver ses chaussons, aller péniblement en s’a sur les murs, se faire un café… c’est une tâche d’une redoutable intelligence.
– Pierre-Alexandre Léziard
Alors il y a une petite dérive en arrière qu’il faut qu’on règle…
– Maxime Labat
Alors, ça c’est Pyrènes, 1m75 pour 100 kg sur la balance. 32 articulations mises en mouvement par des moteurs électriques. Niveau perception du monde : il a deux caméras pour une vision stéréoscopique, un lidar et il est capable de sentir les retours de force qui s’exercent sur ces moteurs et sur ces semelles. Les pyrènes existent aussi sous forme de modèle, c’est sur cette version informatique que l’on calcule les mouvements du robot. Le but des roboticiens des informaticiens est de liés avec succès ces deux entités mécaniques et informatiques pour créer un robot le plus autonome et le moins dangereux possible, pour lui-même et pour les autres. Ça passe notamment par un travail d’étalonnage que vous voyez là. Pour réduire les cas entre les mouvements planifiés et les mouvements réalisés.
– Pierre-Alexandre Léziard
En plus de tout ça, un des points très intéressants de ce robot c’est qu’il va avoir des capteurs de couple dans tous ces articulations à part au niveau de la tête et des poignets et ça, ça va permettre de mesurer les forces extérieures qui sont appliquées au niveau du robot. Donc ça va être un contrôle beaucoup plus souple qui est beaucoup moins dangereux lorsqu’il est opéré proche de la main parce que si on va lui rentrer dedans il ne va pas rester rigide mais il va absorber le l’impact.
– Maxime Labat
Il y a un autre champ d’étude qui est vraiment le corps du robot. Vous travaillez là-dessus aussi sur la partie matérielle : quel moteur quel matériau quel poids par rapport à la puissance…
– Nicolas Mansart
Concevoir le robot c’est vraiment une des questions. Et pour le robot quadrupède c’est une question qui est bien aboutie. on commence à vraiment savoir comment concevoir un cours de quadrupède. Pour les bipèdes c’est vraiment une question qui est d’actualité.
– Maxime Labat
Là tu travailles sur un robot quadrupède. Par rapport au Pyrène, il y a des choses que vous arrivez à faire en plus ?
– Pierre-Alexandre Léziard
Les 2 robots mettent en œuvres les mêmes techniques de control. L’intérêt est d’avoir un système de control plus petit, qui est plus facile à réparer et mettre au point. Ensuite on peut le mettre sur un robot humanoïde.
On envoie une consigne avec ce joystick. Le robot va donc prendre en compte cette direction prédire ce qui va se passer une demi-seconde dans le futur au niveau de du positionnement de ses pieds des forces qui va appliquer sur le sol. Donc il a un modèle de lui-même et il applique ce qui va faire et il voit le résultat et il le fait. On lui a donné les masses de chacun de ces éléments les masses des jambes les masses de la base du robot. Donc cette prédiction-là, dans une demi-seconde dans le futur, il le fait 500 fois par seconde et après, au niveau du calcul des moteurs, il le fait 10 000 fois par seconde.
– Maxime Labat
OK j’ai l’impression d’être dans le futur là que bon
Faire un robot humanoïde c’est un petit peu comme essayer de calculer les décimales de Pi. Primo vous n’y arriverez pas et secundo ce n’est pas vraiment le but. Le but c’est d’avoir un cas pratique une espèce de défi autour duquel les chercheurs peuvent se retrouver pour parler entre des disciplines qui, sans ça, n’auraient pas de raison d’échanger.
– Nicolas Mansart
Par nature la robotique est une science qui est connexe. La robotique a cette propriété de connecter la science dure, des maths et de la technologie. On est vraiment à l’interface entre les deux.
– Maxime Labat
Toutes les connaissances que vous produisez, elle circule au sein d’une communauté mondiale librement. Il n’y a pas de brevet ici il n’y a pas de tout et public open source et partagé.
– Nicolas Mansart
Le CNRS a vraiment pour objectif de produire de la connaissance et de la mettre à disposition au sens large. On publie sous licence ouverte : nos logiciels, nos solutions, nos concepts mécaniques ou nos licences. C’est vraiment un souhait dans l’équipe qu’on a de mettre à disposition de la communauté au sens large.
– Maxime Labat
Alors quelle sera la place des robots humanoïdes dans le futur ? va savoir. Mais je me dis que ce serait quand même fou qu’ils réussissent à changer nos vies sans jamais réellement exister. Sans qu’on croise les robots humanoïdes dans la rue. Jamais. Donc le moment où ils vont se rebeller contre nous pour demander des droits l’Apocalypse des robots tueurs ce n’est pas pour tout de suite.
– Nicolas Mansart
Alors, la blague dans le domaine, c’est dire : pour éviter l’Apocalypse des robots tueurs, pensez à fermer les portes. Parce qu’on est au point où pour l’instant le robot ils n’arrivent pas à marcher jusqu’à la porte et à l’ouvrir. Déjà une porte, ça c’est dur. Alors une variété de porte : une porte qui glisse, une porte qui s’ouvre en se tirant avec une poignée ronde… ça c’est de faire un peu de jeu avec la clé de mettre la clé dans la serrure. Donc non, on est vraiment loin d’avoir un robot qui qui fonctionne pour ça. C’est quelque chose qui est trop difficile.
– Maxime Labat
Mais peut-être qu’ils auront changé notre manière d’opérer des cancers, de faire voler automatiquement des avions ou de faire marcher des revers sur Mars. Autrement dit les recherches menées sur les robots humanoïdes auront des impacts sur les mathématiques l’informatique ou même de la médecine.